Fouilles
images contre images
Luce Mongo-Mboussa
Ce projet de fouilles découle de ma fascination pour les corps pétrifiés de Pompéi. Plus largement, les racines de ce travail plongent dans le mystère de la disparition physique des lieux et des corps, dès lors qu'ils échappent à la vue. Il a pour base une collecte d'images composée de photographies prises sur les sites de Pompéi et Herculanum, mêlées à d'autres ressources trouvées sur le net. Ce mixte d'images constitue le matériau de base d'un processus de refonte imaginaire de cette documentation, dont les différentes étapes interrogent la matérialité même du support physique de ces images. Re-dessinée, mixée et transférée sur papier, le dos des images produites est "peluché" de manière à en fouiller les strates, de partir à la recherche du seuil d'où peut émerger la figure humaine. Les "pelures" découlant de cette étape du "peluchage" ont été réutilisées pour le modelage de masques, sorte de reconstitution matérielle des visages disparus issue de la matérialité même des images produites.
Entre archéologie et palimpseste, ces strates d'images retravaillées, abordent aussi un pli actuel. Celui de ces quantités d'images conservées, immatérielles et silencieuses, qui habitent nos disques durs, échappent à la vue, mais qui sont les gardiennes d'un récit potentiel. C'est cette potentialité de l'image à raconter plus que ce qu'elle expose qui m'intéresse ici. À l'instar de Pompéi et Herculanum, dont l'excavation met en même temps à jour une vérité et un imaginaire des lieux, ce projet a pour objectif d'élargir la vie des images choisies, de leur offrir une autre matérialité, une autre temporalité. Projet que je veux voir comme une espèce de réalité augmentée.
Au fur et à mesure du travail, la surface "peluchée" du verso des images m'a évoqué "ce qui se trame et s'enchaîne" de résistance et de fragilité dans cette fine surface, comme un tissu. Paradoxalement, plus je touchais à la fragilité physique des images plus j'entrais dans l'épaisseur de ce qui la constitue.